Voir des cétacés en prenant son ticket
Le whale-watching ou dolphin-watch est un business qui a le vent en poupe sur le littoral méditerranéen. Des milliers de touristes se pressent chaque semaine pour aller voir ces fameux cétacés, vedettes de bien des émissions télévisées. Témoin des pratiques des opérateurs loin des côtes, on est en droit de se demander à quel prix –pour la faune– cette pratique s’est épanouie.
Les opérateurs de w-watching ne payent aucune licence au Sanctuaire Pelagos pour réaliser leurs opérations commerciales (dans certains pays, une licence est obligatoire). Mais il y a une retombée indirecte pour l’Etat, la TVA reversée sur la billetterie. Ainsi qu’un éventuel impôt sur les sociétés, si le business est établi selon les règles légales communes.
Les cétacés, acteurs involontaires et sujets principaux des opérations, ne bénéficient en rien de cette activité touristique, on est en droit de se demander au moins s’ils n’en sont pas les premières victimes. A l’intérieur des eaux territoriales, la loi nationale s’applique: elle proscrit dérangement, poursuite, harcèlement… mais pour autant qu’il paraisse, elle n’est pas appliquée faute d’agents habilités, compétents et pourvus de moyens en mer pour identifier et constater les délits.
Au-delà des 12 milles nautiques, les prescriptions de l’accord du sanctuaire et de l’ACCOBAMS sont encore valides, mais elles ne s’appliquent jamais, car il y a encore moins d’agents compétents et habilités qui sont régulièrement présents en pleine mer. Nous voici donc au Far West.
Parole de cétologue chevronné, je n’ai encore jamais vu d’opérateur de w-watching qui respectait entièrement un ‘code de bonne conduite’: les principales infractions observées étant la vitesse d’approche excessive, et le non-respect de la distance maximale d’approche (en l’occurrence 100m dans le sanctuaire). Le fait que plusieurs compagnies soient concurremment présentes sur le marché peut-il encourager les bonnes pratiques ?
Les approches touristiques toujours plus vite, plus près, plus nombreuses, génèrent donc des dérangements (bien étudiés dans certains pays comme Nouvelle-Zélande, Tonga, Canada), qui font subir un préjudice aux sujets concernés. Mais les cétacés ne se plaignent pas, ne votent pas; et comme ils n’appartiennent à personne, ‘personne’ ne se préoccupe de leur statut d’intermittent du spectacle, du moins en France.
En l’absence de contrôle, et sous la pression des touristes –mal informés donc peu conscients– pour aller toujours plus près, voire même pour poursuivre les dauphins afin de les faire sauter, car ‘un dauphin, ça saute, n’est-ce pas ?’ ou ‘regardez comme ça les amuse !’, on est condamné à assister à d’autres scènes pénibles, au large.
En attendant de pouvoir agir, le Groupe de Recherche sur les Cétacés monte un dossier, et donc recueille les témoignages: parmi les touristes, il s’en trouvera des bien intentionnés, des curieux de nature, qui voudront bien nous relater les excès auxquels ils ont involontairement assisté.
Docteur Alexandre Gannier et cetaces.org