Revenir aux fondamentaux !
Tout le monde veut, en France, en Europe, protéger les cétacés. Pourtant, peut-on affirmer honnêtement que les dauphins qui habitent près de nos côtes sont bien protégés ? Non : en France métropolitaine, en outremer, il existe de nombreux cas où des populations locales de dauphins sont très menacées, voire même, ont disparu … et pas besoin de remonter à 1960 pour illustrer ce fait.
Exemple peu connu, le cas des dauphins Tursiops truncatus du Bassin d’Arcachon. Le bassin d’Arcachon et ses environs immédiats abritaient trois espèces de cétacés au début du XXe siècle. Etudiés du milieu des années 80 jusqu’à son extinction, le groupe local de Grands dauphins comptait encore six individus en 1988.
Ces dauphins côtiers trouvèrent la mort un à un dans des circonstances variées et ne furent pas remplacés par des individus immigrant depuis l’abondante population du golfe de Gascogne. 2001, fin de l’odyssée des dauphins résidents du Bassin d’Arcachon.
Face à l’anthropisation croissante du Bassin, des actions adéquates de protection – l’arrêté français de protection des mammifères marins avait déjà force de loi – auraient-elles pu sauver, hier, cette petite population de l’extinction ? Cela pourrait faire débat.
Durant la dernière décennie, en dépit des lois de protection, la ‘disparition’ de groupes côtiers reste un phénomène réel également en France d’outremer. En cause : non pas les engins de pêche ou le fusil de braconniers, mais l’exploitation touristique incontrôlée de ces dauphins. En clair, l’appât du gain mis au service de foules non éduquées et avides d’observation rapprochée de ces animaux universellement adulés.
Aux Antilles françaises, par exemple, des groupes de dauphins Stenella attenuata très facilement visibles encore il y a peu ont déserté aujourd’hui des zones côtières qui leur servaient d’abris diurnes. A La Réunion, l’unique site de repos de dauphins Stenella longirostris est quotidiennement exploité par des opérateurs touristiques.
L’outremer français ne découvre pas ce phénomène puisque le dérangement de dauphins avait été mis en évidence en Polynésie dès 2006, pour des Dauphins à long bec là aussi. Phénomène qui a depuis encore été confirmé à Tahiti, et qui était observé à Hawaii dès les années 90.
Le temps de repos fait partie du cycle biologique fondamental des dauphins, à l’instar de l’activité de prédation, ou de l’activité de socialisation – indissociable des accouplements et de la reproduction. A vouloir considérer les dauphins comme des ‘nounours’ aquatiques à la disposition de tous les publics pouvant s’offrir une sortie en mer, on finit par chasser les cétacés de leur habitat naturel … Pour les opérateurs négligents cela s’appelle ‘tuer la poule aux œufs d’or‘.
Pour ignorer ces fondamentaux, la soi-disant ‘protection’ énoncée par la loi aboutit donc en fait à une dégradation continue des dauphins des populations côtières, avec comme issue leur disparition. Mais alors, si la loi était appliquée telle qu’elle est écrite (car les pouvoirs publics ne l’appliquent pas, en tout cas en métropole), obtiendrait-on une garantie de survie de ces groupes côtiers de dauphins ? En fait, NON. Pourquoi ?
Car le second alinéa de l’article 2 de l’arrêté de 2011, tout en introduisant les notions de dégradation d’habitat, d’aire de repos ou de reproduction, limite le champ d’application de la loi aux cas où « la destruction, l’altération ou la dégradation » compromettrait « la conservation de l’espèce » . Débat déjà connu sur les significations distinctes des mots ‘protection’ et ‘conservation’, ie : on est en droit de ne pas protéger un groupe côtier de dauphins menacé par les activités humaines si sa disparition ne remet pas en cause le statut de l’espèce en général.
L’ Etat peut donc négliger la protection de groupes de dauphins côtiers tout en ne contrevenant pas au texte de protection qu’il a lui-même promulgué. Par conséquent, influencé par des lobbies économiques petits (le nage-avec) et grands (la pêche, le motonautisme, …), en prise avec un personnel nombreux mais ignorant les fondamentaux de la protection des cétacés, ne souhaitant nullement –par idéologie- contrarier une croissance économique prétendument durable, l’Etat ne protège pas les populations côtières de dauphins.
Dans une série d’articles à venir, nous exposerons pourquoi la population azuréenne de Dauphins bleus et blancs est menacée, et quels seraient les moyens de la protéger.
Alexandre et cetaces.org