Caractéristiques des sonars
En dehors des sonars de recherche peu nombreux (mais potentiellement dangereux pour les cétacés) et des sondeurs de pêche, de faible portée car à très haute fréquence, et qui concentrent leur faisceau sur un faible secteur angulaire, ce sont les sonars militaires qui représentent le facteur de risque le plus important pour les cétacés. Dans le monde plusieurs centaines de bateaux militaires emportent des sonars de forte puissance. Les sonars qui équipent les bateaux sont beaucoup plus puissants que les bouées sonars larguées par les avions, et même ceux déployés par les hélicoptères.
Les sonars militaires occupent un large spectre de fréquence depuis les très basses fréquences < 1kHz (comme le LFA SurTASS) à très longue portée mais à faible définition, jusqu’aux sonars anti-mines ou anti-torpilles à haute fréquence > 10 kHz, à faible portée mais capables de détecter des objets de 10 cm ou moins. Les sonars parfois appelés tactiques sont à basse (1 à 3 kHz) ou moyenne fréquence (3 à 10 kHz) sont destinés à la détection de sous-marins ou d’engins, ils peuvent avoir une longue portée (10 km ou plus) et détectent des objets d’une dimension au moins égale à un mètre.
La propagation des ondes des sonars tactiques se fait souvent sous forme d’une galette avec un faisceau dirigé dans toutes les directions, ou bien dans un grand secteur vers l’avant du bateau (on a donc une grosse part de galette). A quelques km de distance, l’épaisseur de la zone insonifiée dépasse plusieurs centaines de mètres. De ce fait, les volumes d’eau concernés par les fortes intensités sonores sont très importants (plusieurs km cubes). Par conséquent le risque d’impacter des cétacés est très élevé.
La puissance des sonars militaires à basse et moyenne fréquences est très élevée, l’étalon étant d’une certaine manière le sonar SQS-53C (ou D) U.S. qui a un niveau de source de 235 décibels (dB re1mPa@1m) pour une fréquence d’environ 3 kHz. Ce type de sonar, de coque, est impliqué dans des accidents ayant causé la mort de ziphiidés. La plupart des sonars tactiques de coque ont une puissance inférieure à cet étalon. D’après des études récentes, un sonar d’une puissance de 230 dB est dangereux pour les cétacés, car il propage un niveau sonore de 180 dB à une distance de 300m, distance à laquelle nombre de cétacés ne sont pas détectables.
La durée des ondes émises est un facteur souvent négligé dans les études, mais qui est très important car plus l’exposition aux sons intenses est longue, plus les dommages provoqués aux sens auditifs (par exemple) des cétacés sont importants. La durée d’une impulsion sonar varie d’une fraction de seconde à plusieurs secondes, chaque impulsion est suivie d’un silence et le tout constitue un cycle. Le rapport de la durée de l’impulsion sur la durée du cycle constitue le taux de charge, qui vaut typiquement quelques % (par exemple une impulsion d’1 sec sur un cycle de 30 sec). Selon la tactique de lutte ASM employée, le cycle peut être répété pendant quelques minutes ou pendant plusieurs heures. Dans ce dernier cas l’énergie acoustique transmise dans le volume d’eau est extrêmement importante.
Sur les FASM, les sonars à basse et moyenne fréquence peuvent être de deux classes: les sonars de coque, et les sonars remorqués (ou poissons). Dans le premier cas, la propagation se fait forcément depuis une immersion faible, par exemple de 5 à 8 mètres. Dans le second cas, le navire remorque le poisson au bout d’un câble, avec une immersion choisie en fonction de la zone surveillée. Cette immersion variable implique que les intensités peuvent se propager à des distances supérieures par rapport aux sonars de coque. Ils sont utilisés notamment par la Royal Navy, et la Marine Nationale, entre autres.
Les nouvelles frégates de la Marine Nationale, les FREMM, sont équipées de sonars puissants, à basse et moyenne fréquence. Les marines des pays européens disposent chacune de navires de lutte ASM en quantité variable, de quelques unités pour un petit pays, à plus de dix unités pour un grand pays (idem pour le Japon, la Corée, l’Australie, etc.) La marine US dispose de plus de cent navires équipés de sonars à basse ou moyenne fréquence. Lors de manoeuvres navales (comme Proud Manta ou RIMPac), plusieurs bateaux peuvent utiliser leur sonar en même temps, insonifiant ainsi des milliers de kilomètres carrés avec des intensités excessives pour les cétacés.