Quand les voiliers ne font pas bon ménage avec les cétacés
Un article du Télégramme de Brest en décembre 2023, à propos de l’Arkea Ultim Challenge, a attiré mon attention sur les conséquences des courses à la voile pour les cétacés. Les voiliers de course, qui sont de plus en plus rapides, plus rapides que les cargos de nos jours, et beaucoup plus silencieux, ont depuis toujours heurté des « OFNIS » (objet flottant non identifié). Ce mot est un euphémisme, le nombre d’êtres vivants en mer étant largement supérieur à celui des objets.
Plusieurs navigateurs et skippers s’accordent à dire qu’il n’y a pas de course au large sans collision avec les cétacés. Pour autant il est très difficile de quantifier le phénomène. Certains en ont parlé dans la presse, même si un genre d’omerta est de mise parce que les sponsors n’ont pas envie qu’il s’ébruite que leurs bateaux blessent des cétacés.
- Didac Costa avait parlé de sa collision lors du Vendée Globe 2020 mais son service de communication avait immédiatement rassuré en écrivant que la baleine ne semblait pas avoir souffert de l’impact,
- Morgane Ursault-Poupon parle de sentiment d’empathie et de culpabilité durable, après un arrêt brutal du bateau,
- Kito de Pavant a également raconté des impacts lors de la Transat 2010 et surtout du Vendée Globe 2016, car cette collision avec un cachalot avait fait couler son bateau.
En effet, les vitesses des voiliers de course atteignent parfois 35 nœuds : quand ils entrent en collision avec des baleines, ils provoquent des blessures graves et/ou mortelles sur les cétacés, ainsi que des dommages sur le bateau, mettant en danger les marins.
Le Marine Mammal Advisory Group a mis en place un « hazard button » pour indiquer une collision ou la présence d’un animal ou d’un objet. Cela permet d’informer le PC course, le reste de la flotte et d’alimenter les bases de données afin de mettre en place les zones d’exclusion. Ce système a équipé les bateaux de la Route du Rhum 2022 et de la transat Jacques Vabre 2023.
De plus, la classe IMOCA développe le système EXOS 2024. Celui-ci combine la vision artificielle, la fusion multi-capteurs et l’utilisation de l’autopilote d’un bateau pour repérer les obstacles à la surface de l’eau et, à la fin, y répondre par l’évitement automatique de collision. Certains bateaux du Vendée Globe devraient en être équipés.
Les organisateurs de courses au large prennent de plus en plus de mesures pour la protection des cétacés : par exemple, des zones d’exclusion sont mises en place pour que les concurrents évitent les zones à forte densité de cétacés. La transat CIC 2024 et la course NewYork Vendée les Sables d’Olonne avaient mis leurs lignes d’arrivée pour l’une et de départ pour l’autre à 100 milles des côtes.
Les premières courses à définir une zone d’exclusion ont été The Ocean Race 2023 et The Arkea Ultim challenge 2024. Parmi ces zones : les Açores, les Canaries, le Cap Vert, le cap de Bonne Espérance, l’île de Kerguelen et le cap Horn, au large desquels des cétacés peuvent former de grands groupes qui s’étendent sur plusieurs kilomètres.
L’organisation du Vendée Globe, dont le départ est prévu le 10 novembre 2024, a aussi mis en place des zones d’exclusion, en s’appuyant sur le consortium Share the Ocean, prenant en compte la protection des cétacés et celle du requin baleine. Le Vendée Globe met ainsi en avant une image d’engagement environnemental. Les fans de course au large sont également souvent des … passionnés de la mer (et donc des cétacés).
La prise de conscience récente et les engagements des organisateurs de course au large contribuent à la médiatisation de la protection des cétacés. Espérons que ces engagements qui impliquent les navigateurs et donc les sponsors, seront tenus, et donneront des idées à d’autres usagers de l’espace marin …
Sylvie et cetaces.org