Voir ‘1996 : au four et au moulin’
Grosses prospections, beaux résultats
Cette année 1997 voit notre atelier de cétologie tourner à plein régime en Méditerranée à partir du 26 juin: nous ne manquons pas de volontaires … ni de travail. En premier lieu, une série de prospections dans les canyons entre Antibes et Marseille, au bénéfice de la thèse de Léa qui est à bord pour la seconde année.
En second lieu, nous commençons une étude thématique sur le cachalot en Méditerranée, basée sur une utilisation intensive de l’hydrophone et des échantillonnages lointains. Ce travaux vont bientôt permettre à Violaine (également à bord pour la 2e année) de s’engager sur une thèse.
Ces échantillonnages de grande amplitude vont nous donner la capacité de connaître la distribution du cachalot … et sont également l’occasion d’augmenter nos connaissances sur l’ensemble du peuplement dans une grande partie de la mer Méditerranée.
A partir de l’année 1998, cette série de prospections estivales au loin sera baptisée Ulysse (devinez pourquoi ?). Pour la première fois, nous échantillonnerons en nous imposant des zig-zags, même au grand large. Une contrainte en plus, pour davantage de rigueur.
Lorsque les prospections en Provence sont achevées, nous descendons vers le Sud-Ouest dans le but de remonter par le Sud-Est. Nous laissons ainsi une partie du peuplement nord-méditerranéen, en premier lieu les globicéphales que l’on ne trouve pas au sud du bassin, en été.
La logistique d’embarquement et de débarquement des observateurs se fait aussi plus complexe … n’oublions pas qu’en 1997, il n’y a ni téléphone portable … ni internet … un autre siècle ! Mais tout se passe bien, l’équipage est rafraîchi de temps à autre … contrairement à la météo.
Si le globi disparaît des tablettes, au Sud, le dauphin de Risso se maintient en toutes régions. C’est ce que nous confirment tous ces milles parcourus. Les tendances perçues en 1988-89-90 se confirment.
Quant au rorqual commun, il se raréfie beaucoup à partir de la zone de changement de température, dite ‘convergence nord-Baléares‘, à peu près entre la France et l’archipel espagnol.
La traversée entre Minorque et le sud Sardaigne est assez décevante au niveau des observations. Il faut dire que la mer est un peu agitée. Même les ‘grandes oreilles’ d’Anacaona ne captent pas grand chose.
L’arrivée sur la talus du SW Sardaigne est saluée vers l’aube par deux groupes de dauphins communs. Une jolie surprise qui vient compenser une observation de Ziphius décevante (animal vu de loin) faite quelques jours plus tôt.
En fait, pas moins de six observations de Delphinus sont réalisées dans un grand secteur au sud et au sud-ouest de la Sardaigne. Nous comprenons pourquoi un vendeur de tee-shirts de Cagliari fait figurer l’espèce en bonne place sur sa collection !
Les cétacés sont à nouveau plus nombreux lors de la remontée de la Sardaigne. De plus Anacaona héberge jusqu’à 9 personnes, de quoi permettre un peu de repos entre les longues séances (3 heures) d’observation sous le soleil.
L’été 1997 se conclut par un total honorable de 156 observations en Méditerranée, et pour la première fois les 8 espèces ‘communes’ du bassin sont observées en une seule saison. Pas moins de 8 observations de cachalot et 6 de Delphinus; la cerise sur le gâteau étant notre premier Ziphius, mais enregistré comme probable car pas vu d’assez près.
Ce premier été de prospection à long rayon d’action a servi à mettre au point une logistique spécifique au Groupe de Recherche sur les Cétacés, ce qui est prometteur pour la suite des croisières d’Ulysse, qui vont durer … un moment.
Changement d’hémisphère
Dix jours plus tard et 15 000 km plus loin … le septembre polynésien est un des plus beaux mois de l’archipel. Au moins pour nous, les popa’a.
La prospection de saison chaude se déroule aux Iles-du-Vent en février, et aux Iles-sous-le-Vent au mois de mai. Avec 18 jours en mer, nous récoltons … 18 observations de cétacés, que des odontocètes.
Si le nombre de groupes vus n’est pas élevé, nous sommes néanmoins heureux car nous identifions avec certitude, pour la première fois, des mésoplodons de Blainville, au sud de Raiatea, ainsi qu’une paire de ziphius entre Huahine et Tahaa.
A partir de septembre, les données du problème changent, d’autant que cette fois nous avons un hydrophone et un magnétophone portable: objectif Mégaptère pour notre troisième saison froide en Polynésie.
De plus, nous avons mis en place le système qui permettra aux membres du GREC ou volontaires de nous rejoindre pour étudier les cétacés: « Tu payes ton billet d’avion, on s’occupe du reste’. Ainsi pouvons nous accueillir Stéphane et David (ce dernier, britannique de la Cornouaille).
Ce sont 25 jours de prospection qui nous permettent de voir pas loin de 60 groupes de cétacés, dont 22 observations de baleines à bosse. Les dernières journées ont lieu en famille, fin-octobre et début-novembre (juste avant qu’un cyclone n’effleure Tahiti).
L’hydrophone nous aide bien pour les baleines, car les chanteurs sont presque toujours près de la barrière de corail: donc en prenant un échantillon acoustique tous les 2 milles autour des îles, on a de grandes chances de les repérer.
A propos de chants de baleine, nous découvrons que ceux des mégaptères polynésiens sont beaucoup plus variés que la partition monotone qui est proposée sur les disques de chant de baleines vendus dans le commerce.
[audio:https://www.cetaces.org/wp-content/uploads/2016/03/Mn1997_site.mp3]Cela devient rapidement un but d’obtenir un bel enregistrement complet de baleine …
Nous poussons à l’ouest jusqu’à la petite île de Maupiti, peu fréquentée, avant de commencer à rebrousser chemin vers Tahiti, par bonds successifs. La route inverse vers les Iles-du-Vent est rarement confortable.
Nous réalisons peu à peu que les mégaptères peuvent être approchés assez facilement lorsqu’ils ne sont pas stressés, au repos. Il arrive même que les baleines viennent jouer près du bateau. Cette baleine sociale est vraiment particulière.
Nous terminons la saison par un tour de Tahiti, au cours duquel nous observons plusieurs baleines tout à fait au sud de l’île. Heureusement, il y a très peu de bateaux, et aucun touriste, ce qui fait que nous sommes complètement tranquilles pour faire notre travail.
Fin-octobre et début-novembre, on trouve encore des mères avec leur nouveau-né, qui attendent le plus tard possible avant de faire le grand voyage vers la région antarctique. Et aussi, quelques mâles bien sûr.
La saison de prospection s’achève assez abruptement (1700 milles au compteur) car comme nous sommes en phase El Nino, un cyclone vient frapper l’archipel de la Société. Heureusement pour notre voilier, il ne fait qu’effleurer Tahiti.
Nos observations de 1997 s’achèvent le 31 décembre: un voyage de fin d’année aux Marquises nous permet d’observer trois espèces de dauphins, mais cette fois grâce aux services d’un bateau de promenade … A nouveau dix espèces observées en Polynésie cette année !
L’année 1997 a inauguré un cycle qui va durer jusqu’en 2002, comprenant une grosse prospection estivale en Méditerranée, et deux prospections en Polynésie. Chaque année, entre 12 et 20 observateurs participeront à ces ‘ateliers cétacés’, à bord de deux, et bientôt trois voiliers (voire même quatre en 1998) !
Voir ‘1998 : entre Grèce et Marquises’