Stenella coeruleoalba (Meyen, 1833)
– Avec une note sur l’écologie de l’espèce en Méditerranée –
Petit delphinidé de 2 mètres environ.
- Maturité sexuelle : mâle 7-12 ans ; femelle 7-10 ans.
- Maturité physique : mâle . ans ; femelle . ans.
- Pigmentation : gris bleuté (foncé sur le dos) à gris très clair et blanc (flanc et ventre), avec une cape de la tête à l’aileron et une « écharpe » blanche bien délimitée.
- Tête : pourvue d’un rostre de dimension moyenne et d’un melon assez marqué. L’aileron dorsal est moyen, de forme assez triangulaire ou falciforme.
- Rencontré en bandes d’effectif moyen (10 à 40 individus), ou plus nombreuses en été. Ségrégation sociale fréquente.
- Nourrissons fréquents dans certains sous-groupes, naissances en été.
- Habitat : surtout au delà de fonds de 500 mètres.
- Activité diurne : variant du repos, au déplacement et à la socialisation, ou la prédation (surtout le soir et le matin).
- Réponse au bateau : variable, inclut souvent la visite à l’étrave et quelques sauts.
- Confusion possible avec le Dauphin commun, dont la pigmentation est différente (flancs et tête), ou le Dauphin Clymène en milieu tropical.
- Méditerranée : commun.
- Atlantique nord-est : commun en eaux profondes.
- Régions outre-mer : très rare.
Biologie et écologie en Méditerranée
Le dauphin bleu et blanc fait partie des huit espèces communes en mer Méditerranée.
Le dauphin bleu et blanc est le cétacé le plus abondant dans le bassin occidental, aussi bien que dans l’ensemble de la Méditerranée. Ailleurs dans le monde, il est répandu dans les eaux tempérées à chaudes de tous les océans. Des différences significatives quant à l’âge de la maturité et à la longueur (inférieure pour les individus de Méditerranée par rapport à ceux de l’Atlantique nord-est) laissent penser qu’il existe une population méditerranéenne de cette espèce.
On reconnait facilement le Dauphin bleu et blanc à sa pigmentation bien que celle-ci puisse être plus ou moins marquée. Il est souvent rencontré en groupes de 5 à 50 individus et en eaux profondes.
La durée de gestation est comprise entre 11 et 12 mois, avec une période de mise-bas de l’été à l’automne. Le nouveau-né mesure de 90 à 100 cm. Les naissances en mer Ligure débutent régulièrement aux alentours du 20 juillet. L’allaitement peut durer plus d’un an: il est possible d’observer une femelle accompagnée d’un nouveau-né et d’un juvénile d’environ 1,40 mètres. L’occurrence de nourrissons de faible taille (environ 1 mètre soit la moitié de l’adulte) au début du printemps peut correspondre à des naissances tardives au cours de l’automne.
Âgé de quelques jours, le nouveau-né nage maladroitement en maîtrisant mal ses émersions et en supportant mal des apnées de plus d’une minute. Mais, au bout de quelques semaines, le nourrisson est un véritable dauphin miniature, capable de suivre ses congénères adultes dans la plupart de leurs évolutions, tout au moins au voisinage de la surface.
Le régime alimentaire du Dauphin bleu et blanc comprend essentiellement des poissons et des céphalopodes (calmars, surtout), ainsi que quelques crevettes. Les calmars semblent prédominer au voisinage des Baléares alors qu’en mer Ligure, la consommation de poissons semble plus importante. Le succès de Stenella coeruleoalba en Méditerranée est certainement lié à son opportunisme alimentaire: des dizaines d’espèces différentes composent son menu, variable selon la saison et le lieu.
Il existe deux composantes de population en Méditerranée nord-occidentale: une population côtière qui fréquente des sites profonds près de la côte, de l’Espagne à l’Italie, et une population du large qui se déplace sur des distances de plusieurs centaines de km. Les dauphins « côtiers » ont tendance à être fidèles à un site donné, comme par exemple la région d’Antibes ou du Levant, alors que les dauphins du large sont véritablement océaniques, sans territoire particulier. Les deux populations se mélangent occasionnellement.
Les groupes rencontrés en moyenne dans le nord de la Méditerranée comptent en moyenne 18 individus. La ségrégation par classe d’âge est reconnue pour cette espèce: nous avons souvent reconnu des groupes comprenant des mâles et des femelles en phase de reproduction (juillet surtout), des groupes composés exclusivement de femelles et de nouveaux-nés (en été) et des groupes composés de juvéniles ou subadultes (souvent très actifs en surface).
La structure sociale semble suivre le modèle ‘fission-fusion avec grumeaux’ : la taille du groupe varie en fonction des activités, seulement quelques individus pour la chasse nocturne, avec un maximum d’effectifs réunis souvent pour le repos et la socialisation, en début d’après-midi. Néanmoins, dans les groupes côtiers on remarque que des individus sont fidèles au même site et au même groupe pendant au moins plusieurs années.
Le déplacement des dauphins est révélateur de leur activité du moment: les vitesses peuvent prendre des valeurs de 0 à plus de 10 nœuds avec une moyenne de 2,9 nœuds. Il est très rare de rencontrer des Dauphins bleus et blancs immobiles, mais les vitesses inférieures à 2 nœuds sont assez fréquentes, elles sont indicatrices d’une activité de repos ou de traque de proies en profondeur. La durée des sondes semble rarement excéder 4 à 5 minutes, mais il faut dire qu’une bonne partie des sondes profondes ont lieu la nuit et ne sont pas mesurables. Dans la majorité des cas, la vitesse semble comprise entre 3 et 4 nœuds : cela correspondrait à l’allure économique des ces dauphins, ou meilleur compromis entre vitesse et dépense d’énergie.
Les dauphins dépassent parfois la vitesse de 10 nœuds : c’est observé dans les cas de « chasse au poisson », de poursuite entre 2 individus, voire de fuite, ces grandes vitesses sont toujours associées à des séries de sauts rasants -pour des raisons énergétiques. La direction du déplacement est elle aussi une indicatrice assez fiable du comportement : elle peut être constante (voyage, traque), variable (chasse, repos) ou erratique (socialisation, fuite).
On constate que l’activité d’alimentation (traque ou chasse) est prépondérante dans 43% des cas: il s’agit majoritairement d’observations réalisées dans la matinée, ou de la fin d’après-midi au début de soirée. La distinction entre voyage et socialisation est plus difficile à faire, car il arrive souvent qu’un déplacement à vitesse moyenne et de direction constante soit accompagné de socialisation. Dans 22% des cas, l’activité « socialisation » (y compris les accouplements) a été jugée prépondérante. Le repos des dauphins est lui aussi accompagné de phases de socialisation.
Le dauphin bleu et blanc se raréfie dans le nord du bassin au cours de l’automne, et son abondance ne remonte qu’en milieu de printemps. Les groupes du large favorisent l’option d’une migration vers le Sud motivée par le contraste thermique existant entre le Nord et le Sud du bassin occidental. Toutefois, le maintien d’une fraction côtière de la population dans le bassin liguro-provençal montre que les conditions trophiques sont favorables à l’hivernage du Dauphin bleu et blanc en certains secteurs.
A une époque récente, les Dauphins bleus et blancs ont été victimes d’au moins deux épizooties de morbillivirus, et jusqu’en 2007 au moins, ils étaient également capturés (involontairement) par les pêcheurs de thons, dans le nord du bassin. Dans le sud de la Méditerranée, les filets dérivants sont encore utilisés et provoquent encore des mortalités annuelles de plusieurs centaines d’individus.
Pour les groupes côtiers, l’augmentation de la fréquentation humaine de la bande des 10 milles, en particulier pour les activités de loisirs motorisés, représente une véritable menace : en effet ces groupes utilisent les sites proches des côtes pour se nourrir. Par conséquent, la protection de la population n’est actuellement pas bien assurée, malgré l’existence de sanctuaires et de zones protégées.
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