Vers de nouveaux paysages marins
En matière d’énergie, les orientations gouvernementales sont absolument évidentes : substituer partout où c’est possible l’énergie électrique et l’hydrogène aux hydrocarbures fossiles. La demande massive d’électricité, qu’il ne s’agit pas de revoir à la baisse (dogme de la croissance perpétuelle oblige), devra être assurée par les renouvelables pures (hydraulique, éolienne, photovoltaïque pour l’essentiel). Pour pallier l’intermittence et la non-pilotabilité de l’éolien et du photo-voltaïque, la direction choisie est apparue récemment : un nombre incertain de centrales nucléaires de nouvelle génération sera mis en chantier, des turbines à gaz ou à cycle combiné sont construites … et … on se servira de l’hydrogène ‘vert’ comme réservoir-tampon d’énergie. Cet hydrogène sera produit par électrolyse lorsque l’éolien fournira de l’électricité en surplus, et stocké (à terre).
Cette équation sera d’autant plus difficile à résoudre que le nombre de centrales nucléaires sera faible, et elle nécessite que la production par éolienne soit surabondante lorsqu’il y aura du vent … d’où la très grande ambition en matière de construction d’éoliennes offshore : 30 GW, soit 30 projets de 83 hélices de 12 MW de puissance unitaire (cas actuel). Le choix de cette trajectoire justifie l’urgence et l’ampleur des projets offshore à venir et l’option ‘peu de nucléaire-beaucoup d’éolien offshore’ se traduira par des impacts très importants sur le milieu marin. Une question quand même: le paramètre ‘photovoltaïque’ interviendra-t-il de manière importante dans cette équation ? Car si les milliers de km2 préemptés pour l’éolien offshore sont indolores pour la très grande majorité de la population, il n’en va pas de même pour les surfaces qui sont artificialisées pour les centrales solaires …
L’ambition française en matière d’éolien offshore dépasse l’ampleur des réalisations allemandes et s’aligne sur les projets au Royaume-Uni, mais il faut rappeler un point capital : la puissance du vent est nettement moindre en France que dans ces pays septentrionaux, surtout pour les zones atlantiques au sud de la Gironde, ou (près des côtes) à l’Est de Toulon. Les 30 GW ne seront donc pas répartis sur toute la façade métropolitaine, mais concentrés sur à peu près la moitié de l’espace marin français (ZEE comprise). D’où le choix d’implanter un grand nombre d’installations sur des profondeurs modérément importantes nécessitant la technologie de l’éolien ‘flottant’ en cours de développement. Autres habitats marins, autres enjeux écologiques, mais surtout meilleure acceptabilité du fait que ces centrales électriques offshore ne seront plus visibles du rivage et des habitants.
Les enjeux écologiques de cette révolution industrielle ne sont pas bien maîtrisés car nombre d’impacts sur le milieu marin et la faune sont basés sur des prévisions établies par modélisation, et on a peu de retour sur ce qui se passe réellement après l’installation des éoliennes. Les impacts des éoliennes sur les oiseaux marins ont été mesurés au Danemark (Fox et Petersen 2019), une diminution de la population de marsouins a été constatée en mer du Nord allemande (Nachtsheim et al. 2020), on constate des effets-récifs, mais aussi la diminution de la production primaire (Slatik et al. 2019).
Cependant, pas plus que l’écosystème terrestre de Normandie ne peut se déduire de celui de Provence ou de celui du Jura, les effets sur les écosystèmes marins de la Manche ouest, du golfe de Gascogne ou du golfe du Lion ne peuvent être extrapolés de ce qui s’est passé en mer du Nord.
Les dizaines de milliers de pages des études préalables à l’installation de projets éoliens offshore ne prévoient pas précisément ce qui va advenir du milieu marin (et de la faune associée) dans ces zones transformées pour la production d’énergie. Cependant, l’ampleur du développement et la multiplication des installations dans une même région marine permettent de présager des modifications écosystémiques …
Voir notre article sur le milieu marin …
Alexandre et cetaces.org