20 juin 2020, pour les dauphins, tout est comme avant
Samedi matin, c’est notre dernière prospection printanière dans les eaux azuréennes, qui sont déjà très chaudes (+23°C). Malgré l’heure encore matinale, des plaisanciers de tout poil profitent de leur déconfinement. D’ailleurs, notre Anacaona a fait le plein : nous sommes six à bord.
A un peu plus d’un mille du port, nous détectons un grand groupe de Stenella : il s’agit de trois sous-groupes de dauphins qui devaient être engagés dans leur phase de nourrissage tout à fait à l’extrémité du canyon des Anges, un site qu’ils affectionnent périodiquement.
Ces sous-groupes comprennent beaucoup de nourrissons, y compris – c’est tôt dans la saison – des nouveau-nés reconnaissables à leur très petite taille, aux alentours de 80-90 cm, et à la présence de plis foetaux. Déconfinement oblige, ces dauphins sont occupés à se déplacer vers le large, non de leur propre initiative, mais parce qu’ils sont suivis de très près par deux et bientôt trois embarcations de plaisanciers.
Ces bateaux ne sont pas des prestataires touristiques, pour deux d’entre eux au moins. Leur attitude générale n’est pas celle d’un mépris délibéré de la tranquillité des dauphins. Néanmoins, la proximité entre observateurs et dauphins et la durée du contact engendrent un dérangement certain, d’autant plus que les mères dauphins sont entravées dans leur évasion par la présence de nouveau-nés : une véritable fuite serait impossible. Mais ce n’est pas parce qu’ils ne s’enfuient pas avec force sauts que les dauphins ne sont pas dérangés.
Les responsables de ces trois embarcations ne connaissent visiblement pas le code de bonne conduite en vigueur dans le sanctuaire Pelagos, du moins ils ne l’appliquent pas. De toutes façons, ce code n’a pas de valeur réglementaire car il n’est pas explicitement interdit en France de s’approcher à un mètre de cétacés, et de les talonner pendant une heure de temps.
Il faut rappeler ici qu’une modification de l’arrêté de protection des mammifères marins qui prévoit une interdiction d’approcher les cétacés à moins de 100 m a suivi toutes les étapes de la rédaction et de l’instruction. SAUF QUE ce texte réglementaire n’a pas été publié par le gouvernement. Par conséquent, les observateurs occasionnels ou professionnels peuvent aujourd’hui encore s’approcher volontairement trop près des dauphins sans enfreindre la loi. Même dans un Sanctuaire, même dans un Parc National.
En effet, si l’arrêté de 2011 actuellement en vigueur proscrit le ‘dérangement’ et le ‘harcèlement’, il n’a pas d’application pratique car ces notions ne sont pas appuyées par des éléments mesurables, contrairement à ‘une distance de 100 m’.
Les preuves scientifiques décrivant l’effet délétère du dérangement sur la vie des cétacés s’accumulent. Pourtant, le gouvernement français continue à négliger la protection d’une faune très exposée, y compris dans des lieux qui devraient être emblématiques, comme un Sanctuaire de mammifères marins.
Le cas du dérangement des espèces dans des habitats très vulnérables n’a certes pas la même gravité que celui de la mortalité de masse de dauphins dans le golfe de Gascogne. Du reste, les implications économiques ne sont pas du même ordre de grandeur. Mais il n’y a pas non plus d’action efficace du gouvernement.
Ces deux dossiers, et bien d’autres problèmes graves de protection du patrimoine naturel en France – la liste en est infinie – , démontrent bien qu’il n’y a pas la volonté effective de protéger la Nature chez nos gouvernants actuels.
Alexandre, Odile et cetaces.org