Voir ‘1998 : entre Grèce et Marquises’
Marquises, Société, Alboran, Australes … la routine, quoi !
Le 1er janvier 1999, nous nous reposons dans une baie de Nuku Hiva, on s’occupe aussi du voilier Eleuthera. On laisse souffler Jean-Claude, notre propriétaire-skipper.
2 janvier 1999 : la trève des confiseurs est finie … Au boulot !
Dès le 2 de l’an neuf, nous repartons en quête de nouvelles données de distribution, dans la région de la grande île de Nuku Hiva, avec également la préoccupation d’une rotation d’équipiers. Sitôt l’équipe complétée nous repartons pour atteindre Fatu Iva, après une petite étape à Ua Pou.
A proximité d’un mont sous-marin, vers le soir, nous pêchons un thon … et une observation de pseudorques rapides comme l’éclair. Quelle coincidence, faux-orques et thonidés …
L’île la plus méridionale nous réserve un échantillon complet du peuplement de delphinidés marquisiens, avec 5 espèces. Il y a même un petit groupe de longs-becs qui longe les falaises de la célèbre baie des Vierges !
Après avoir échantillonné autour de Fatu Iva, et réalisé un peu de film sous-marin, nous repartons vers le nord, afin de compléter notre seconde boucle des Marquises, en passant cette fois par Ua Huka.
Avant cela, un beau groupe de dauphins Sténos, apparemment que des mâles, nous accueille avant le mouillage de Tahuata … L’occasion d’un bain de mer en plein large.
La côte sous le vent de Tahuata permet de mouiller en sécurité et avec un bon confort … malgré l’apparence redoutable de l’île quand on arrive du sud ou de l’est. Après avoir entrevu quelques Grampus au nord de Hiva Oa, nous relâchons dans la baie qui est près de la ‘tête de nègre’, puis nous nous dirigeons vers Ua Huka. Nous sommes le 20 janvier.
La petite île de Ua Huka nous réserve également un joli échantillon d’espèces de dauphins … et de plus un beau mouillage près duquel on peut capturer quelques belles langoustes. Le débarquement en annexe sur la plage, avec une houle minimale, nous vaut quelques émotions.
Avec l’échantillonnage autour de Ua Huka, nous achevons notre découverte cétologique des eaux de l’archipel marquisien. Le temps est arrivé de rejoindre une dernière fois les eaux abritée de Taiohae, à Nuku Hiva.
Notre prospection naturaliste n’est pas achevée pourtant, une belle bande de globis tropicaux est là pour nous rappeler que nous n’avons pas tout vu. Malgré deux mois de collecte de données.
Oui, mais même quand c’est très bien, cela doit s’arrêter. Cette fois Eleuthera va se préparer à appareiller vers le sud-ouest. C’est le 2 février que l’équipe quitte les Marquises.
A l’issue de cette prospection, ce n’est pas tant le nombre d’observations qui étonne (à peine plus de 100 détections), que la diversité : 10 espèces identifiées.
Et puis il y a les mystères qui subsistent … On répond à une question, deux autres apparaissent.
Steno bredanensis, sujet d’étude …
A Tahiti, la présence de notre équipe de cétologues navigateurs a stimulé une thèse de doctorat sur le dauphin Steno bredanensis. La jeune Kristi West, cétologue canadienne de Hawaii, bénéficie d’un financement pour étudier ce dauphin mystérieux.
Du même coup, nous recevons notre part de travail par l’Université de Polynésie. Et certain cétologue désargenté met un peu de beurre dans ses épinards: Ou’a reçoit des voiles neuves et une révision de moteur. Normal, priorité à l’outil du chercheur.
Pas mal d’observations de Sténos sont obtenues en mars et mai, y compris du côté de Raiatea-Huahine. Le Sténo est en effet la deuxième espèce la plus fréquente sur la Société. Après le long-bec.
Au cours de ces prospections de saison chaude, nous augmentons nos connaissances sur les mésoplodons de Blainville. Pas facile à comprendre, ces bêtes-là. Et nous observons pour la première fois des ‘bûches’. C’est le surnom que nous donnons au cachalot nain … son comportement est passionnant.
Entre les Marquises et la Société, ce début de 1999 a vu pas mal de cétologues défiler sur les flots de la Polynésie française. La moitié de mai et de juin ne seront pas de trop pour tabuler ces données précieuses …
Juin 1999 : cap sur Gibraltar
Après l’Est, l’Ouest : l’objectif de l’été 1999 c’est Gibraltar, et la mer d’Alboran. La distribution du cachalot et le peuplement général de cétacés sont au centre de nos préoccupations.
La continuation de la thèse de Violaine permet au Groupe de bénéficier d’une aide financière de Marineland pour effectuer ces travaux. Le GREC est pour l’heure associé au nouveau Centre de Recherche sur les Cétacés du delphinarium.
Nous partons le 23 juin. Gibraltar, c’est un petit millier de milles, et la route passe par les Baléares où nous effectuons des relevés acoustiques et visuels sur le cachalot.
Des beaux groupes de cachalot sont vus et entendus, mais dès que nous arrivons en mer d’Alboran, cette espèce se raréfie. Les rorquals communs ont disparu dès que l’on a passé Minorque.
Par contre, les Dauphins communs deviennent de plus en plus communs au fur et à mesure que l’on progresse vers le sud-ouest. Les Tursiops aussi sont assez fréquents.
Passé le cabo de Gata, les Delphinus sont abondants. La configuration de la prospection rend assez facile les rotations d’équipiers. Mais le téléphone portable n’existe pas, du moins pour les ‘prolos’.
Nous arrivons sur Gibraltar le 9 juillet pour quelques jours de prospection locale, et une visite rapide de la célèbre enclave britannique (depuis 1704). Point d’orgue, les macaques du Rocher, seuls singes d’Europe (en dehors de l’Homme).
Ce qu’il y a d’étonnant à Gibraltar, c’est la fraîcheur de l’eau, et la co-existence des dauphins avec un trafic maritime intense, même dans la baie d’Algésiras. Les espèces Delphinus delphis et Stenella coeruleoalba sont observables, parfois en groupes mixtes.
Après une courte escale en Afrique, à Ceuta, le Gibraltar espagnol, nous prenons la route-retour, avec une option zigs-zags au large qui nous permet d’observer de beaux groupes de Grampus et de Tursiops.
L’escale prévue sur l’île d’Alboran (au milieu de la mer) doit être écourtée, car les militaires espagnols nous demandent de ne pas rester pendant la nuit. Mais la brise est bonne.
Nous sommes surpris de faire trois observations de Ziphius dans le jour qui suit. Nous pouvons même approcher un individu assez près pour de bonnes photos.
L’avantage de faire une route au large est de rejoindre assez vite la zone des cap de la Nao et de San Antonio, où au petit matin nous observons des Tursiops. Après avoir vu des globicéphales durant la nuit.
Les Baléares sont mises à profit pour un peu de prospection locale, avec des cachalots et des Grampus, avant de se préparer à rejoindre la Corse. Trajet choisi pour augmenter l’extension de nos prospections.
Sur les dernières 24 heures de la traversée, nous sommes rattrapés par une forte brise de sud-ouest, le Libeccio, qui nous secoue et qui mouille Anacaona. Jamais facile de barrer la nuit avec une houle rattrapante …
D’Ajaccio, il ne faut qu’un zig-zag pour atteindre Antibes, le 26 juillet, et s’octroyer quelques jours de repos. La suite de l’été est consacrée à intensifier nos connaissances sur la partie sud-ouest du futur ‘Sanctuaire des Cétacés’.
Les filets dérivants italiens sont maintenant rares dans le secteur, mais on en trouve encore, placés par des bateaux battant pavillon français … Nous collectons les données sur tout ce que nous voyons et entendons. Prospection et protection sont des mots qui se ressemblent beaucoup au Groupe de Recherche sur les Cétacés.
Retour sur mer le 1er août. Au cours d’un de nos transects au large, nous sommes témoins à grande distance d’une ‘collision’ entre un cachalot et un grand yacht à voile. Trente minutes après, sur le point de ‘contact’, nous apercevons un individu blessé par une hélice et qui ne sonde plus.
Heureusement, l’animal ne semble pas blessé gravement. Un de ses congénères est en phase de prédation profonde. Au moins, il n’est pas isolé. Cet accident nous alerte sur les risques de mortalité dûs au trafic maritime, qui s’intensifie rapidement.
En ce début du mois d’août, notre série de transects au large est assez fructueuse en terme d’observations. Les données serviront à alimenter un rapport d’études ‘commandé’ par la direction régionale de l’environnement.
C’est le 26 août que, la météo aidant, nous choisissons de stopper nos travaux méditerranéens. Un peu de socialisation familiale au menu … avant de traverser deux océans en avion.
Septembre 1999 : ma, dove sono il balene ?
Le mois de septembre débute de manière classique avec notre quête des Mégaptères et de leurs chants, dans la zone des Iles du Vent.
A l’instar de pas mal de membres du GREC qui font le voyage depuis 3 ans, Luca et Germana de l’Academia de Leviatano nous ont rejoints pour trois petites semaines de prospections.
Même si les baleines ne sont pas aussi nombreuses que dans les documentaires naturalistes, nous les trouvons à plusieurs reprises. Parfois même en compagnie de dauphins Sténos, trop contents de trouver un léviathan pour jouer.
Début-octobre commence la partie ‘figures libres’ de la prospection: nous avons décidé de vérifier l’occurrence des Mégaptères autour des Australes, archipel un peu éloigné vers le sud de la Polynésie. Pour cette expédition, nous ne sommes que deux, et un bon hydrophone, à bord d’Ou’a : Tubuai, Rurutu, Rimatara sont nos objectifs.
Le premier départ, le 3 octobre, est retardé en raison de trois baleines qui nous barrent le chemin, vers la pointe Mara’a (Tahiti). Puis nous effectuons la traversée vers Tubuai, trois journées un peu secouées, mais sans problème majeur. Les nouvelles voiles d’Ou’a attrapent bien le vent.
Le tour de Tubuai nous révèle trois chanteurs, dont deux que nous réussissons à voir. Pas mal pour une île où les touristes sont rares. Puis cap à l’ouest, vers Rurutu, haut-lieu du tourisme baleinier. Nous sommes un peu préoccupés par l’entrée dans la darse, qui fait face à la houle d’Est, et n’est pas profonde. Et après, … , il faut sortir de la nasse.
Malgré une cadène fissurée, notre navigation et notre échantillonnage autour de Rurutu se passent bien. Deux baleines qui sautent et un chant enregistré … puis nous trouvons le mouillage dans la grande baie sous le vent. C’est calme; même si le manège de quelques canots de whale-watching parvient à perturber notre collecte de données.
En fonction des paramètres, nous décidons de ne pas aller voir Rimatara et profitons d’une belle fenêtre météo pour remonter vers le nord et sa douceur. Les manips Mégaptère de l’année se termineront en terrain plus facile. Trois petites journées et un peu de moteur viennent à bout de la traversée. A noter qu’aucun dauphin n’a été vu au cours de ces deux semaines.
C’est vers le 30 octobre que notre recherche s’achève. peut-être un peu tôt car il y a encore des baleines. Mais Stéphane doit prendre un travail et j’ai une conférence à préparer. Il faut aussi penser aux rapports et publications.
Bilan de l’année 1999 ? Des prospections-navigations totalisant 6425 milles de jour (moitié Méditerranée, moitié Polynésie), pour un total de 342 observations sur 15 espèces. Au total, 25 participants aux campagnes.
Nous tenons les rythmes …