Pourquoi cette différence de répartition entre quatre régions d’Europe ?
Le Groupe de Recherche sur les Cétacés a recensé en mer, entre 1992 et 2022, plusieurs centaines de groupes de dauphins communs, à bord de voiliers de taille modeste, particulièrement une unité de 12 mètres. Parmi ces observations, 185 ont été qualifiées d’assez « qualitatives » (durée suffisamment longue, météo suffisamment bonne, distance suffisamment proche) pour être analysées : cela représente 42 groupes en Méditerranée, et 143 en Atlantique, dans trois zones : les Açores, la côte ibérique, le golfe de Gascogne. Grâce aux clichés pris pendant ces observations, nous avons pu dénombrer 13 occurrences d’animaux ne présentant pas la pigmentation habituelle en sablier.
Certains individus, en effet, ont une pigmentation plus sombre, peu ou pas de jaune sur les flancs. Ils sont pourtant parfaitement intégrés dans les groupes de Delphinus delphis, bien qu’on n’en remarque guère plus qu’un par groupe, exceptionnellement deux, dont une fois une paire adulte-jeune (ce qui tendrait à prouver que ces individus peuvent se reproduire, même si cette particularité reste assez rare).
Pour être sûrs de ne pas commettre d’erreur dans cette étude, nous n’avons comptabilisé que les observations réalisées pendant plus de trois minutes, à une distance minimale inférieure à 50 mètres, avec des bonnes conditions météorologiques (lumière du jour, état de la mer correspondant à un vent de 0 à 3 Beaufort).
Les résultats de l’analyse montrent que les dauphins mélaniques ne sont pas observés en Méditerranée (0 mélanique sur 42 observations de dauphins communs) ; en revanche, en Atlantique, 7% des groupes de Delphinus delphis comportaient un tel individu aux Açores (6/83), 8,5% sur la façade ibérique (1/12), et 12,5% dans le Golfe de Gascogne (6/48) ; soit une moyenne assez stable pour l’Atlantique. Cette différence entre les deux grandes régions peut indiquer l’existence de populations présentant des différences génétiques de part et d’autre du détroit de Gibraltar.
Curieusement, un éminent naturaliste de l’ancien temps, Paul Fischer avait déjà décrit en 1881 plusieurs variantes de dauphins communs dans le Golfe de Gascogne : avait-il observé ces dauphins « mélaniques », même s’il ne les a pas nommés ainsi ?
Ces observations démontrent également, aujourd’hui, l’importance des prospections naturalistes et l’efficacité dans le long terme de la cétologie pratiquée en petit bateau. Une spécificité du Groupe de Recherche sur les Cétacés à l’heure où les technologies de spécialistes ont envahi la scène scientifique dans le petit univers de la cétologie contemporaine.
Le Groupe de Recherche sur les Cétacés a réalisé cette étude sur fonds propres. Vous pouvez contribuer aux études du GREC en soutenant financièrement l’association. Le GREC est une structure entièrement bénévole.
Odile, Adrien et cetaces.org
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Cet article est un résumé de la communication présentée à la 34ème conférence de l’European Cetacean Society (Galice, 17-20 avril).