Pterois miles, un danger de plus pour la Méditerranée ?

Une menace venue d’ailleurs a fait son apparition en Méditerranée durant ces dernières décennies : le poisson-lion (Pterois miles), ou rascasse-volante. Ce superbe poisson, mais néanmoins dangereux, est ce que l’on appelle une espèce envahissante. C’est-à-dire une espèce vivante exotique qui devient un agent de perturbation nuisible à la biodiversité autochtone des écosystèmes naturels ou semi-naturels parmi lesquels elle s’est établie (1).

Introduite accidentellement ou volontairement, leur présence soudaine peut avoir un impact non négligeable sur les espèces indigènes présentes, et leur régulation est un véritable casse-tête. En 2016, la Commission Européenne a d’ailleurs établi une liste des espèces invasives préoccupantes afin d’endiguer leur propagation : les espèces concernées sont donc soumises à une législation stricte en matière de détention, d’importation, de vente, d’élevage et de culture (2). Le Poisson-lion (Pterois miles) n’en fait pas partie, mais son arrivée rapide et soudaine en mer Méditerranée est de mauvais augure. Les scientifiques lancent l’alarme.

Faudra-t-il manger du lion ? (Wikimedia commons, photo Magnus Kjaergaard)

Le poisson-lion est un poisson venimeux pouvant atteindre une taille de 38 centimètres de long. Il possède sur sa nageoire dorsale une série de longues épines et présente un corps rayé de bandes verticales claires et foncées, ce qui en fait un animal magnifique. Hélas, c’est également un poisson extrêmement vorace qui s’attaque à une large gamme d’espèces, sans prédateurs puisque doté d’un puissant venin, et capable de se reproduire tôt et rapidement. Son grand appétit provoque un trou dans l’écosystème dans lequel il est installé et les autres populations peinent à se renouveler, provoquant notamment un manque de nourriture pour les autres grands prédateurs. C’est ce qui s’est observé dans les Caraïbes avec une autre espèce de poisson-lion (le Pterois volitans). Arrivé de Floride, il a colonisé en 10 ans tout le golfe du Mexique pour descendre vers le sud où il est considéré comme une véritable catastrophe écologique (3).

De notre côté, le poisson-lion est naturellement présent dans la mer Rouge et l’océan Indien jusqu’aux Maldives, et serait arrivé chez nous par l’ouverture du canal de Suez au 19ème siècle. Ce n’est d’ailleurs pas la seule espèce introduite par ce biais : il est aisé de voyager accroché aux coques des navires ou dans les eaux de ballast, la Méditerranée étant un espace de grande circulation maritime. Ces migrations ont même reçu un nom : les migrations lessepsiennes (4), du nom de l’un des architectes du canal.

On vit des poissons-lions pour la première fois en 1991 sur les côtes d’Israël, puis petit à petit dans la partie Est de la Méditerranée (5). En 2012 par exemple, un individu fut recensé à Chypre et dès 2018, ce sont plus de 70 poissons-lion qui ont été observés sur certains récifs de l’île (6). Des programmes européens ont été lancés pour inciter pêcheurs locaux et restaurateurs à servir plus de ce poisson (7).

L’invasion des poissons-lion (©DW https://www.dw.com/en/invasive-venomous-fish-spotted-off-italys-coast/a-38213006)

Malheureusement, il est très difficile, voire impossible, de prévoir à long terme l’évolution du poisson-lion en Méditerranée, notamment en raison de la difficulté d’obtention de données fiables et en quantités suffisantes (contexte politique compliqué). Et l’impact sur les années à venir du réchauffement climatique rend toute prédiction illusoire. Les différents travaux scientifiques effectués sont donc soit alarmants, soit rassurants, mais les professionnels continuent de s’y intéresser pour éviter toute catastrophe.

Avec un peu de chance, c’est la nature elle-même qui résoudra le problème, puisqu’une nouvelle maladie de peau, provoquant des lésions cutanées chez les poissons-lion, a été observée au Mexique. Affaire à suivre …

Nadège et cetaces.org

Sources :